CHRONIQUE JOURNAL LE TEMPS 02.10.20 . Avec le télétravail, ceux qui s’apprêtent à devenir pères ou qui le sont devenus récemment passent plus de temps auprès de leur compagne ou de leur bébé. Comment cette nouvelle organisation du travail participe-t-elle à la mise en place de la paternité?
La Suisse, dernier pays d’Europe à proposer de la flexibilité aux pères, vient de voter un congé paternité de dix jours.
Il était temps, car les nouveaux pères se sentent souvent frustrés de retourner rapidement au travail. En effet, ils doivent faire face à des responsabilités parfois discordantes: soutenir leur compagne, s’occuper de leur bébé et maintenir leurs obligations professionnelles. Par ailleurs, ils traversent des changements importants durant la période périnatale qui sont peu reconnus. Les modifications physiques, hormonales et l’évolution identitaire sont maintenant objectivées par les neuroscientifiques mais elles demeurent toujours ignorées au travail.
Pourtant, il est essentiel de rendre possible la naissance d’un père et il est établi, aujourd’hui, que l’engagement des hommes au cours de la période périnatale améliore la santé de la famille à court, moyen et long terme.** Mais cet engagement est difficile sans «espace-temps» et c’est précisément ce qui manquait à nos jeunes pères! En effet, pour que la rencontre puisse avoir lieu, il est nécessaire de passer du temps avec son enfant pour apprendre à interpréter ses besoins, prendre confiance en de nouveaux gestes et, surtout, intégrer tous les changements qui se sont mis en place au sein de la famille. C’est comme cela que les pères peuvent se révéler progressivement et trouver une place au sein d’un système familial plus égalitaire.

Aujourd’hui, le manque de structure sociale agit comme un carcan qui impose le modèle familial traditionnel; les hommes retournant au travail et les femmes restant à la maison auprès des bébés.
Avec le Covid-19, un nouveau modèle d’organisation du travail s’est mis en place depuis quelques mois, rassemblant les futurs et nouveaux parents à la maison.
C’est le cas de Charles et Lucie qui viennent de donner naissance à leur petite Mila et qui expliquent leur joie d’avoir pu partager ces moments à trois. «Grâce au télétravail, j’ai pu rester auprès de ma femme et de mon bébé. C’était bien d’être ensemble les derniers mois de grossesse, d’autant plus que Lucie n’avait plus de contacts sociaux par peur du virus. Depuis la naissance, c’est un plaisir de faire partie intégrante de la vie de famille et même si je suis occupé à télétravailler, je peux y contribuer par petites touches au cours de la journée.»
Un témoignage qui est largement validé par sa compagne, pour qui rester seule avec un bébé semble assez angoissant. En effet, la fatigue physique et la charge mentale liées aux nouvelles responsabilités peuvent être lourdes pour une seule personne. Aussi la présence de l’homme à la maison, même s’il travaille, peut pallier la solitude maternelle et l’isolement social des mères, fréquents autour de la naissance.
Des couches entre deux «conference calls»
Comment ce nouveau rythme de travail s’inscrit-il dans la relation des pères avec leur bébé? Partager le quotidien de son nouveau-né, sans s’absenter pour aller au travail, est un véritable atout du télétravail. «Je change la petite entre deux conference calls, ça me permet de faire une petite pause, de partager un moment avec elle et je suis ravi de me sentir de plus en plus à l’aise dans mes gestes», explique fièrement le jeune papa qui montre un joli exemple d’intégration de son rôle de père.
Charles raconte aussi ses astuces pour calmer sa fille: utiliser le porte-bébé pour écrire un mail pendant que sa femme prend sa douche, déambuler en poussette en téléphonant à un collègue. «C’est sportif mais j’arrive maintenant à la consoler lorsqu’elle a mal au ventre!» explique ce jeune homme qui conjugue confiance en ses compétences paternelles et multitasking.
En ce qui concerne ses tâches professionnelles, il affirme qu’il se sent très efficace bien qu’à distance du bureau et que la souplesse de l’organisation lui permet de gagner du temps, qu’il consacre à sa famille. Il ajoute que cette étape de la vie est essentielle et qu’il se sent rassuré de pouvoir concilier son travail et son rôle de père avec une organisation adaptée et un niveau de stress contrôlé. Il imagine cependant retourner bientôt au travail pour maintenir des liens sociaux essentiels à son équilibre privé et professionnel.
Comme tout nouveau métier, celui de père s’acquiert avec de l’expérience et il est normal d’accorder du temps aux hommes pour prendre leur place au sein de la famille. Existe-t-il un modèle parfait qui soit compatible avec les exigences professionnelles actuelles tout en facilitant l’égalité des tâches? Un congé paternité plus long? Un congé parental à partager au sein du couple? Rien n’est certain mais il est plus que jamais évident que les hommes ont besoin de flexibilité pour concilier leur travail et leur vie de famille sur le long terme et c’est ce que leur offre le télétravail à moindre coût.
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