CHRONIQUE JOURNAL LE TEMPS - 10 mai 2019. Les arrêts maladie sont fréquents et parfois précoces au cours de la grossesse. Comment adapter la charge de travail au cours de cette période pour que les femmes et les managers s’organisent sereinement?
La grossesse n’est pas une maladie, entend-on régulièrement. Cet adage condamne insidieusement les femmes enceintes qui demandent des aménagements spéciaux au travail ou qui se voient prescrire un arrêt maladie au cours de leur grossesse. Selon certaines estimations, 90% des femmes suisses s’arrêteraient de travailler avant le terme de la grossesse [1] pour cause de maladie puisque aucun congé maternité prénatal n’existe à ce jour.
Les femmes vivent des changements importants au cours de leur grossesse qui génèrent une vulnérabilité physique et psychique. Certaines s’y adaptent aisément alors que d’autres présentent des complications qui peuvent mettre en jeu leur santé ainsi que celle de leur bébé. Comment faire face à l’imprédictibilité des situations et accorder durablement travail et grossesse? La solution passe par l’organisation du travail.
Pouvoir s'organiser
Trop peu d’employées enceintes bénéficient d’un rythme et d’une charge de travail adaptée, ce qui serait pourtant une réponse préventive à la gestion des absences. Il revient au manager d’orchestrer ces aménagements avec autant d’anticipation et de communication que possible. Voilà un véritable défi qui implique directement les équipes et qui permettra de maintenir l’efficacité du service. Cette organisation profitera aussi à la stabilité des effectifs, car une femme qui se sent comprise sera plus motivée pour retourner au travail à la fin de son congé maternité.
Ce projet commence par la connaissance et le respect des lois. Il existe des dangers liés à certains postes; il est du devoir de l’employeur d’en informer les collaboratrices enceintes et de proposer un aménagement. Selon l’ordonnance 1 relative à la loi sur le travail, une analyse de risque des postes devrait précéder l’entrée en service des femmes dans une entreprise. Cela n’est souvent pas le cas et que faire lorsqu’il y a présomption de danger sans réaction de l’employeur? D’après Peggy Chagnon-Krief, médecin du travail à l’Institut universitaire romand de santé au travail, un médecin gynécologue peut alors rédiger un avis d’inaptitude pour présomption de danger qui dispense l’employée du travail jusqu’à ce que son employeur lui propose une solution.
L’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail décrit l’obligation de mettre à disposition une couchette, ou au minimum une chaise longue, pour satisfaire le droit au repos des femmes enceintes. Malheureusement, peu d’employeurs réalisent ces aménagements et paradoxalement, lorsque les salles de repos existent, elles sont peu utilisées par manque d’information ou crainte d’être stigmatisée. Voilà qui est dommage car une pause au milieu d’une journée de huit heures peut diminuer la fatigue, améliorer la perfusion utéro-placentaire propice à la croissance du bébé, réduire le stress et les contractions utérines. De plus, la satisfaction d’avoir pris un moment pour ressentir son bébé peut favoriser la disponibilité et la concentration pour le travail le reste de la journée.
Lorsque le poste est administratif, faut-il quand même proposer des aménagements? Absolument, car la fatigue empiète sur la capacité de travail et le surmenage peut mener à certaines pathologies voire à un accouchement prématuré. Or on constate que la plupart des managers n’ajustent pas la charge de travail pendant la grossesse, et cela même lorsque l’employée passe à un taux d’activité réduit. Il en résulte une surcharge démotivante dont la seule issue sera un arrêt de travail complet prescrit par le médecin. Rappelons qu’une absence planifiée est toujours plus facile à gérer pour une équipe et que cela requiert une bonne communication des besoins.
Pour conclure, la conciliation de la grossesse et du travail reste un véritable défi pour les femmes et également pour leurs managers. Une communication ouverte des deux côtés est nécessaire afin de trouver des aménagements. Quant au moment du départ en congé maternité, il revient à chaque femme de l’évaluer avec son médecin ou sa sage-femme, mais il est certain qu’un rythme adapté leur permettra de se rapprocher de la naissance avec sérénité et ainsi de «prendre, avec leur bébé, le meilleur départ possible dans une nouvelle existence [2]».
1. Liliane Maury Pasquier, Postulat 2015, Interruptions de travail avant l’accouchement et congé prénatal, 08.09.2015
2. Liliane Maury Pasquier, Postulat 2015, Interruptions de travail avant l’accouchement et congé prénatal, 08.09.2015
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