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TRAVAIL ET AGENCEMENT DES RÔLES FAMILIAUX:UNE ENQUÊTE QUALITATIVE SUR LA TRANSITION À LA PARENTALITÉ



TRAVAIL ET AGENCEMENT DES RÔLES FAMILIAUX : UNE ENQUÊTE QUALITATIVE SUR LA TRANSITION À LA PARENTALITÉ CHEZ LES CADRES GENEVOIS

Mémoire pour l’obtention de la Maîtrise d’études avancées en Santé publique (Master of Advanced Studies in Public Health) de l’Université de Genève Directeur de mémoire : M. Mathias Waelli Experte de terrain : Mme Carole Clair Ammon Laetitia Session 2019-2022 Remis le 10 novembre, 2022



Abstract On assiste aujourd’hui à une augmentation notable des mères sur le marché du travail. En Suisse, les modèles familiaux demeurent majoritairement traditionnels exposant les femmes à une double charge lorsqu’elles cumulent leurs responsabilités familiales et professionnelles. On perçoit cependant, dans les milieux favorisés, des changements sociétaux de l’organisation des familles, remettant en question le maintien des normes traditionnelles familiales. Cette recherche a pour but d’apporter un nouvel éclairage sur l’agencement des rôles familiaux et professionnels chez les couples bi actifs et sur les contraintes rencontrées lors de la transition à la parentalité dans les milieux socialement aisés. Une enquête qualitative a été menée à Genève, auprès de 17 cadres devenus parents et elle a mis en évidence les points suivants : Les attentes d’équilibre de vie sont issues de trajectoires familiales individuelles, puis reliées conjugalement et elles s’inscrivent en continuité ou en opposition avec les parcours de vie familiaux. Les besoins de flexibilité qui en découlent se confrontent aux obstacles structurels créés par l’environnement professionnel (politiques RH et culture d’entreprise), le niveau économique (salaires) et l’équilibre des couples. Lorsque les besoins ne peuvent être assouvis, des conflits travail-vie privée apparaissent et ils peuvent avoir un impact sur la santé mentale et physique des individus. Il existe des différences notables selon les genres ; les femmes accèdent plus facilement à de la flexibilité et implicitement portent davantage le poids des tâches familiales. Cette double charge impacte certainement leur santé d’autant plus qu’elles vivent des discriminations au travail en lien avec leur statut de mère. L’originalité de cette étude relève des données concernant le grand manque de flexibilité accordée aux hommes et les discriminations fréquentes en lien avec leur statut de père au travail.

Introduction

En Suisse, la conciliation du travail et de la parentalité est un sujet en évolution car en 30 ans, le taux de mères actives professionnellement est passé de 40 à 62% (entre 1970 et 2000) (1, 2). Face à ces changements sociétaux, les familles doivent faire des choix pour organiser au mieux leur équilibre de vie. Lorsque des conflits travail-famille apparaissent, ils constituent des facteurs étiologiques du stress au travail et représentent des risques pour la santé (2, 3). On les définit comme l’interférence des exigences liées au rôle professionnel dans la sphère familiale et vice versa (4). Le sujet de l’articulation des vies familiales et professionnelles imbrique des phénomènes sociaux influencés par les décisions étatiques, politiques et juridiques (5, 6). Selon le concept de parcours de vie et particulièrement la perspective du développement familial, toutes les familles adaptent leur système de rôles au fil des étapes de la vie (7) et l’arrivée du premier enfant représente une étape majeure qui transforme l’organisation systémique du couple et de la famille. Dans un modèle de réflexion hétéronormé, cette phase provoque une différenciation genrée des rôles (8) (9) et amène à une division sexuelle du travail domestique, orientant ainsi la répartition des tâches (5). En Suisse, les modèles familiaux sont principalement traditionnels, l’homme travaillant à plein temps et la femme à temps partiel ou étant sans activité professionnelle. Près de 80% des couples actifs sont organisés selon ce modèle en 2021. Bien que les jeunes femmes actives soient de plus en plus nombreuses, ce sont principalement elles qui interrompent leur carrière ou qui diminuent leur taux d’activité professionnelle lorsqu’elles deviennent mère (10). Les individus semblent maintenus dans des modèles familiaux traditionnels, pouvant aboutir à des inégalités de santé, professionnelles et économiques (5). Cependant, dans l’étude consacrée au travail domestique et à la famille, Schön-Bühlmann a démontré une légère augmentation de la participation des hommes suisses aux sphères domestiques et familiales entre 1997 et 2009 (11). Si dans cette même étude, les femmes qui vivent en couple ont un peu diminué leur investissement dans les tâches familiales, cela demeure faible face à l’augmentation accrue de leur participation à la vie active. Le déséquilibre qui en résulte perpétue la notion de second shift (12), qui désigne la double charge pour les femmes et qui révèle les inégalités précarisant leur santé physique et mentale (3). Les questions d’équilibre de vie des couples devenus parents ont été abordées dans plusieurs recherches suisses sous l’angle quantitatif (13) ainsi que sous l’angle qualitatif (14). On assiste à l’émergence de changements, comme la plus grande participation des hommes au travail domestique et familial (11) ainsi qu’une organisation du travail à temps partiel davantage accessible aux hommes (15). Comment les parents cadres concilient ils aujourd’hui leurs vies familiales et professionnelles en Suisse ? La réalité s’accorde-t-elle avec les attentes des couples ? Quelles sont les tensions qui s’exercent sur leurs choix et comment se réalisent les compromis ?

Le but de cette recherche, menée en Suisse romande, à Genève, est d’apporter un éclairage supplémentaire sur les comportements des couples bi actifs lors de l’agencement de leur vie familiale. Le langage épicène a été utilisé afin d’éviter toute discrimination sexiste.


Méthodologie Cadre de recherche

Une étude qualitative a été menée pour recueillir des informations détaillées et comprendre les besoins, les attitudes et les comportements des femmes et des hommes lors de la transition à la parentalité. L’étude a été menée à Genève, lieu de résidence de la chercheuse, dans des milieux professionnels bancaires, énergétiques et multinationaux; auprès d’un échantillon de travailleuses et de travailleurs de bureau (cols blancs) occupant des fonctions de cadres. Le choix de cet échantillon a été motivé par plusieurs raisons. Le fait qu’ils travaillent à des taux d’activité élevés avec des responsabilités importantes suppose que les participants ont suivi un niveau d'études similaire et qu’ils accordent une place importante au travail, souvent entretenue par des opportunités de carrière. Aussi, le niveau économique de cet échantillon permet de cibler davantage la question de la négociation des rôles familiaux car certaines tâches peuvent être déléguées. Le recours à des solutions de garde d’enfant ou d’aide au ménage permet de supposer que l’investissement dans la sphère familiale relève davantage d’une volonté motivée par des valeurs, que d’obligations logistiques.

Critères de sélection des participants

Les critères d’inclusion à l’étude ont été les suivants : femmes et hommes étant parent d’au moins un enfant d’âge compris entre 2 ans et 4 ans et vivant en couple. Les individus devaient travailler dans le secteur tertiaire, occuper un poste de cadre et être employés à temps plein ou à temps partiel. Le choix de l’âge des enfants a été motivé par le fait qu’un nombre important de femmes suisses interrompent leur activité professionnelle à la suite de la naissance de leur bébé (1). En s’adressant à des parents d’enfants âgés de 2 à 4 ans, on peut écouter leur parcours depuis la naissance et intégrer les éventuels changements d’organisation qui ont eu lieu dans leur vie privée et professionnelle. En limitant l’âge des enfants à 4 ans, on cible la période de la petite enfance qui représente des enjeux spécifiques liés au jeune âge des enfants, à la vulnérabilité de leur santé et aux difficultés dues aux modes de garde. Les familles mono parentales n’ont pas été incluses car un des sujets de recherche concernait la négociation des choix au sein du couple ainsi que la répartition des rôles ; ce qui nécessitait de s’adresser à des participants vivant en couple. Notons que cette étude a été menée à partir d’une bibliographie hétéronormée, au sein d’un terrain hétérosexuel et dans un contexte sociétal ou les attributs biologiques et sociaux sont encore passablement stéréotypés. Les familles interrogées travaillaient toutes sur le Canton de Genève, ce qui a permis de s’assurer des mêmes conditions sociales et politiques, même si certaines politiques d’emploi sont propres aux entreprises.

Il est important de noter que cette étude a été menée dans le contexte du Covid-19 durant laquelle des mesures de confinement partiel ont été imposées, obligeant la plupart des employées et des employés à travailler depuis la maison lorsque cela était possible. Les structures d’accueil extra-familial, comme les crèches et les écoles, ont été maintenus ouverts durant cette période. Recueil de données Le recueil de données a été fait à l’aide d’entretiens semi-directifs enregistrés et menés en 2021 par la chercheuse. Les participantes et les participants ont été rencontrés sur leur lieu de travail, dans le cabinet de la chercheuse ou encore par vidéo conférences lors des vagues de l’épidémie de Covid-19. Les entretiens ont été conduits de façon ouverte, selon un guide composé de trois thèmes :

  • La place consacrée au travail et les changements apportés par la transition à la parentalité

  • Les enjeux liés à l’organisation du travail et à la vie familiale et les choix négociés au sein du couple

  • L’impact de l’équilibre famille-travail sur la santé des participants Les participantes et participants ont été recrutés et interrogés jusqu’à saturation des données.


Analyse thématique transversale

Les entretiens enregistrés ont été retranscrits manuellement par la chercheuse. Ils ont été relus plusieurs fois pour permettre l’assimilation des points de vue, puis ils ont été comparés avec les thématiques du départ. Certains thèmes qui n’étaient pas présents initialement ont émergé des lectures et une analyse thématique transversale a été réalisée en s’inspirant de la méthodologie d’enquête de terrain de Beaud et Weber (16).

Test de Maslach

Afin d'évaluer le lien entre l'équilibre des vies familiales et professionnelles et la santé mentale, les participants ont été invités à remplir le Test de Maslach ou Maslach Burnout Inventory (21). Les cas de conflits travail-famille peuvent générer du stress, mener à l'épuisement professionnel et ce test permet de faire une évaluation selon trois dimensions interprétables séparément : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et l’accomplissement personnel. Le test a été transmis en ligne, par l’intermédiaire d’une plateforme sécurisée en collaboration avec l’Université de Genève et l’extraction des données a été réalisée anonymement en croisant les variables de genre, de taux d’activité et de nombre d’enfants.

Cadre éthique

Cette étude qualitative a reçu la validation de la commission d’éthique de l’Université de Genève.


Résultats de l’analyse thématique

La place consacrée au travail et les changements apportés par la transition à la parentalité

Tous les participantes et participants de cette étude ont décrit un lien positif avec leur travail. Le travail est un vecteur d’épanouissement individuel ou de croissance personnelle, un lieu social, pourvoyeur de sens qui donne l’impression de contribuer à quelque chose. C’est également un moyen d’exercer ses compétences, de se confronter à des défis, de résoudre des problématiques et d’obtenir de la reconnaissance. Plusieurs collaboratrices et collaborateurs ont exprimé avoir choisi leur employeur pour sa réputation, sa performance ainsi que pour la qualité de vie, tant au niveau du rythme de travail que des conditions salariales. Ils ont également exprimé le lien entre le travail et la sécurité financière, moyen de construire un patrimoine, de réaliser des projets ou de s’assurer de l’autonomie au sein du couple. En outre, le travail a été décrit comme un lieu de progression dans lequel on accroît ses responsabilités et l’on s’inscrit dans une évolution de carrière basée sur la performance. « Je suis un passionné, je ne peux pas rester dans un job où je ne suis pas passionné... J’aime beaucoup être très investi, dans tous les sens du terme (rires) et ça me prend pas mal de temps... » Romain. Lors de la transition à la parentalité, les participantes et participantsont décrit des changements. Le travail demeure un élément équilibrant qui apporte du plaisir et des liens sociaux en dehors de la famille et ce point touche indifféremment les hommes et les femmes. Cependant, le besoin de trouver une nouvelle organisation est prédominant et cela peut créer des tensions à cause des aménagements nécessaires que nous détaillerons plus loin. Les parents portent un nouveau regard, plus distancé, sur leur vie professionnelle et le travail leur permet également de prendre du recul sur leur vie de famille. La parentalité apporte un cadre qui permet de fixer des limites et force à se déconnecter du travail. Par ailleurs, il se produit une évolution des liens sociaux avec les collègues et les partenaires professionnels, qui peuvent s’orienter davantage sur la famille et qui apportent de la satisfaction. « La place du travail est restée la même, pour moi le travail est un facteur d’épanouissement... J’ai besoin d’avoir du sens pour des sujets qui me tiennent à cœur. Voilà... je suis engagée dans une entreprise qui participe à la transition énergétique. J’ai besoin de beaucoup de changement sinon je m’ennuie au boulot... les congés maternité ont été l’occasion de changer. » Jeanne.

La pluralité des parcours de vie et l’émergence des champs prioritaires

La définition « d’un bon équilibre de vie » semble propre à chaque individu et trouve souvent son origine dans l’expérience familiale des participantes et participants. Les modèles parentaux exercent une influence qui pousse à reproduire ou à s’opposer et qui arbitre le choix des champs prioritaires. La pluralité des parcours de vie familiaux est observable. Toutefois, on perçoit des similitudes nettes dans les priorités en cours qui sont communes à la transition à la parentalité : l’envie de porter de l’attention aux enfants pour les éduquer ou leur transmettre des valeurs, le besoin de ressources financières et le besoin de s’épanouir personnellement. Deux modèles de vie de famille découlent des entretiens : le modèle de partage, qui consiste à diminuer le temps de travail pour passer davantage de temps avec les enfants quotidiennement ; et celui qui consiste à conserver un rythme de travail soutenu afin de transmettre des valeurs liées au travail et de construire un patrimoine. Suivant ces modèles, ce qui est considéré satisfaisant pour certains, semble inacceptable pour d’autres. Romain, cadre à la banque, accompagne ses deux enfants à la crèche le matin et rentre à 18h30 pour libérer la nounou. Sa femme rentre après lui. « Je suis satisfait de notre organisation...J’ai toujours vu mes parents avec le goût du travail mais on passait beaucoup de moments de famille, c’est-à-dire que les week-end étaient exclusivement réservés à la famille, avec un père très investi familialement... je trouve hyper agréable cette organisation...le week-end j’en profite énormément. On s’occupe beaucoup de nos enfants et on ne prend jamais de nounou le week-end. » Romain. Éléonore a négocié un poste à 80% qu’elle n’est pas certaine de pouvoir conserver. Elle anticipe la responsabilité du soutien scolaire lorsque ses enfants grandiront et souhaiterait leur proposer un mode de vie similaire à celui qu’elle a reçu. « Quand on a décidé de faire des enfants, je me souviens lui avoir dit : je veux être là pour mes enfants, je ne veux pas être une mère qui a une bonne position mais qui n’est pas présente au quotidien... Ça sera clairement un échec, le jour où on ne verra plus nos enfants que le week-end. » Éléonore.

Cette mère, qui évolue dans un milieu exigeant où le temps partiel reste une exception, aimerait bénéficier de temps pour ses enfants et elle découvre un conflit de valeurs entre ses aspirations éducatives et ses engagements professionnels. En dehors des devoirs éducatifs, la simple envie de profiter de la présence des enfants ressort de plusieurs entretiens et traduit le plaisir d’être parent. Dans une vie remplie par le travail, la disponibilité pour la famille peut entrer en conflit avec les besoins financiers et ceux d’accomplissement professionnel qui demandent un investissement en temps.

Clément, ayant grandi au sein d’une grande fratrie, décrit ses valeurs familiales prioritaires depuis l’enfance. Elles ont guidé ses choix d’études pour accéder à une situation financièrement confortable lui permettant de construire une famille. Son choix de travailler à temps partiel a été influencé par son expérience familiale. « J’ai toujours voulu fonder une famille... ça a toujours été le but, l’élément drivant... Je voulais avoir les moyens d’avoir la flexibilité et de ne pas me retrouver piégé dans un truc purement alimentaire et je me disais : ouvre-toi un maximum de portes pour pouvoir choisir... J’ai vu mon père qui a travaillé 6 jours sur 7. Son travail, c’est sa passion ... puis il a eu un moment de sa vie où il s’est dit à quoi bon ?... J’espère que cela ne m’arrivera jamais de réaliser à son âge, à ce stade, que mince j’ai loupé...avec ce 80% je profite de ma vie ! » Clément.

Les représentations des modèles d’organisation sont propres à chaque individu et semblent résulter de combinaisons entre les trajectoires familiales des individus et leur lien affectif avec la parentalité. Elles s’inscrivent dans « le principe des vies liées » qui postule que les proches (ici les parents) exercent une influence sur les choix de leurs enfants (7). Au moment de la transition à la parentalité, la réalité professionnelle se confronte aux images construites sur les modèles. Les valeurs éducatives doivent s’accorder avec les contraintes économiques et les engagements professionnels alors que leurs dynamiques sont parfois contraires. Cela mène les individus à l’obligation de faire des choix. Chaque individu possède une capacité d’agir, qui le maintient dans une attitude passive ou qui le pousse à faire des choix de vie, modelant son parcours de vie. Cette capacité peut être expliquée par « des mécanismes psychosociaux de régulation individuelle » amenant les individus vers une continuité ou une rupture des parcours de vie familiaux (7).

L’ajustement de l’organisation du travail au moment de la transition à la parentalité et les injonctions qui en découlent

Les besoins de flexibilité

Les nouvelles charges parentales imposent une réorganisation de la vie et toutes les participantes et tous les participants ont expliqué leur besoin de flexibilité. Accompagner les enfants à la crèche, se rendre chez le médecin ou pouvoir rentrer plus tôt le soir pour manger et jouer avec eux sont les besoins décrits par notre échantillon dont les enfants sont en âge préscolaire. Les parents négocient cette flexibilité avec leur employeur, ils diminuent leur taux d’activité ou arrangent leurs horaires journaliers. Cela se réalise avec l’acceptation de compromis tels qu’une diminution de salaire pour le travail à temps partiel ou la poursuite de la journée de travail à la maison une fois les enfants couchés. Presque toutes les femmes interrogées expliquent qu’un temps partiel haut représente un travail à 100% payé à 80%. Cependant, elles acceptent souvent ce compromis pour passer davantage de temps avec leur enfant. « Ce 80% m’a été octroyé grâce à mon ancienneté et à ma loyauté vis-à-vis de l’équipe pour laquelle je travaille. C’est un 80% sur le papier parce que je suis payée 20% de moins mais il est clair que dans les faits, je travaille à 100% voire plus. Je suis censée avoir mes vendredis mais je travaille souvent ces jours-là. Pour moi c’est plutôt un passe-droit pour avoir la liberté de refuser des réunions ou des calls les vendredis en étant payée 20% de moins. » Éléonore. Quand l’absence flexibilité mène au changement de travail Dans plusieurs cas, aucune flexibilité n’est possible, à cause de la typologie du poste, de la charge de travail, du niveau de hiérarchie ou de la culture d’entreprise. Cela provoque de la frustration et de la culpabilité de ne pas pouvoir assumer les attentes affectives et éducatives. Cela génère aussi de la fatigue ainsi qu’une diminution de la disponibilité et de la patience envers les enfants. Trois de nos participants ont changé de travail après avoir eu leurs enfants et ils expliquent qu’ils se sont dirigés vers des employeurs qui leur offraient de meilleures conditions de flexibilité.

« J’ai fait un burnout. Ça n’est pas lié au fait d’être devenu père mais lié au fait que j’étais épuisé. C’est forcément un peu lié.... C’était moi qui m’occupais des filles les nuits. Sept ans de conseil... ce sont de très gros rythmes, cela empiétait sur toutes mes soirées, ça empiétait sur ma vie, ma vie de couple évidemment mais aussi ma vie sociale... je leur ai dit que ce modèle ne me convenait plus et que ça n’était plus pour moi ... Clairement, cette expérience m’a appris à établir des limites très fortes et à ne pas les déroger. » Romain. Le choix de changer d’employeur résulte ici de l’apparition de conflits travail-famille qui transforment le travail en facteur de risque pour la santé physique et psychique. À la suite du Test de Maslach, 4 de nos 11 participants obtiennent un score qui témoigne d’une des dimensions d’épuisement professionnel. Un des participants présente un résultat l’exposant à un risque de burnout avec un score d’épuisement professionnel supérieur à 30, un score de dépersonnalisation inférieur à 5 et un score d’accomplissement personnel inférieur à 33. Notons également que parmi les participants, trois ont déjà fait un burnout. Ces données illustrent que notre échantillon de parents cadres est exposé à des risques pour leur santé psychique. Dans l’étude de Hämmig et al, les conflit travail-vie privée sont également prévalents au sein des populations occupant des postes de management ou ayant une charge de travail élevée (2).

Déséquilibre homme-femme face au temps partiel

Parmi les participantes et participants, davantage d’hommes ont exprimé leur difficulté à obtenir de la flexibilité au travail. Un seul homme de cette étude travaille à temps partiel alors que six participants sur 9 se disent attirés par ce modèle. Les freins nommés sont la culture d’entreprise, le comportement des collègues, la diminution de salaire et l’incompatibilité d’un temps partiel avec le poste occupé. Les participantes et participants ont témoigné que le temps partiel est encore souvent assimilé à un désengagement professionnel par l’entourage et par le management, et qu’il représente un frein dans la carrière. Les stigmatisations décrites en lien avec la flexibilité sont encore nombreuses à l’encontre des hommes et par les hommes eux-mêmes dans cette étude. « Les hommes qui prennent un temps partiel sont ceux qui ont peu d’ambition. Ils savent qu’ils ne vont pas monter et cela leur va bien. » Bertrand. « Du moment qu’on baisse notre taux, on met un frein à notre évolution de carrière. » Katia. Charles, nouvellement salarié d’une banque, après une période de chômage, explique que la culture d’entreprise y est encore très traditionnelle malgré la communication faite aux employés en faveur de la parentalité. Le type de management et le sentiment de responsabilité professionnelle en tant que senior constituent ici des freins à la flexibilité. « Ça fait bien de dire qu’on peut accompagner les enfants à l’école le matin. Mais bon, j’ai l’impression que c’est plus pour les femmes que pour les hommes. Je pense que lorsque j’aurai mon évaluation, j’aurai du mal à placer que le matin j’arrive à 9h-9h30 parce que je dois accompagner mon enfant à la crèche. Moi je suis dans un rôle assez senior alors ...voilà... on arrive plus tôt au boulot alors que les juniors, les assistants ... ils arrivent un peu plus tard. Mon responsable est célibataire... ni femme, ni enfant...bon alors on prend un peu avec des pincettes ce qu’on lui annonce parce que...parfois on ne se sent pas sur la même longueur d’onde. Je me dis tous les jours que je suis en train de passer à côté d’une partie de la vie de mon fils, que j’aimerais passer plus de temps avec lui. » Charles. Pour Clément, travailler à temps partiel était une condition sine qua non pour rejoindre son nouvel employeur. Ce jeune papa, qui attend son 3ème enfant, explique que le 80% négocié se concilie bien avec son poste de travail de gestion de projet. Il pense que les mentalités ont évolué et qu’elles rendent désormais le temps partiel accessible aux hommes. « 80%... j’avais bien conscience que ça n’était pas vraiment quelque chose d’évident à obtenir dans mon domaine d’activité ... rires ... C’était une condition sine qua non de rejoindre l’entreprise. Pour l’anecdote c’était soit un 80% soit un jour de télétravail (on m’avait dit que ça n’était pas possible pour des raisons de sécurité). Résultat des courses, je me retrouve avec un jour de télétravail et un 80% ! ...rires... Merci le coronavirus ! rires Et donc j’ai le meilleur des deux mondes ... je suis très satisfait ! ... Une femme m’avait dit « mais même moi, en tant que femme et mère, je n’ai pas pu l’obtenir» Elle était très étonnée. C’est beaucoup plus admis pour les hommes maintenant ! » Clément. Au travers de ces deux témoignages on perçoit des positionnements différents bien qu’ils aient lieu dans des domaines institutionnels traditionnels similaires. L’exemple de Clément illustre la détermination d’un jeune homme, possédant un parcours professionnel attractif pour un employeur. Il agit contre les attentes sociales de son milieu pour satisfaire son champ prioritaire familial. La confiance, générée par son profil professionnel, les bonnes conditions économiques ainsi que l’adaptabilité du poste à temps partiel, sont ici des facteurs facilitants. Cet exemple, guidé par des valeurs familiales fortes, décrit un mouvement de rupture avec des normes institutionnelles ancrées. Un des freins qui ressort du témoignage de Charles est posé par le collaborateur lui-même qui imagine que les hommes ne peuvent pas accéder à la flexibilité. « J’avais trouvé un job en janvier où j’avais demandé à travailler à 80% et on m’avait un peu rigolé au nez. Et là, dans la banque dans laquelle je travaille, je n’ai pas osé le demander mais j’ai appris que ça se faisait et qu’il y avait beaucoup et notamment de hauts responsables qui travaillaient à 90 ou 80% ...quand je l’ai appris je me suis senti un peu bête...après c’est toujours plus compliqué de le négocier mais je me suis dit que j’aurais dû le demander avant de commencer. » Charles. Les entreprises ne communiquent pas toujours clairement leur positionnement lié au temps partiel accordé aux hommes. Les normes sont alors supposées par les collaborateurs qui peuvent se conformer à des modèles traditionnels pour garantir la sécurité de leur emploi ou la progression de leur carrière. Le seul homme de l’étude, qui travaille à temps partiel, porte un regard positif sur les changements sociétaux qui amènerait, petit à petit, les hommes à obtenir de la flexibilité. « Maintenant, dans mon cercle d’amis, je pense que tous les hommes sont à temps partiel -rires. En 3 ans de temps, je pense que tous mes amis proches sont passés soit à 80% soit à 90%, ils ne sont pas dans le même secteur d’activité que moi. » Clément.

Un autre point concerne les aspects culturels qui peuvent influencer les normes associées au le temps partiel. Dans notre étude, les participantes et participants d’origine française semblent moins familiers du temps partiel alors que celles et ceux d’origine suisse et danoise y voient un modèle idéal pour gérer la vie de famille. Jeanne, française établie en Suisse depuis 10 ans et mère de deux enfants, n'avait pas imaginé travailler à temps partiel avant d’oser y accéder pour bénéficier de temps pour elle, indispensable à son équilibre de vie. “ J’ai la mentalité française, toutes mes amies sont diplômées, plutôt d’études supérieures et travail de cadre ...et tout le monde travaille à 100% ... et du coup je suis formatée comme cela sans être carriériste. En même temps... ma mère travaillait à 100% avec quatre enfants.” Jeanne. Tiphaine, d’origine suisse, travaille à 100%. Finissant le congé maternité de son deuxième enfant, elle rêverait de travailler à 80%, ce que son employeur ne lui permet actuellement pas. “Je vais démissionner si on ne m’accorde pas mon 80%...la vie c’est de profiter de la famille et non pas de courir et d'être sous stress. Les entreprises doivent vraiment s’adapter car elles vont perdre du monde, les gens recherchent du sens et pas juste un salaire à la fin du mois.” Tiphaine. Romain, père de deux enfants d’origine française, juge la société suisse trop conservatrice mais il apprécie la possibilité d'accès au temps partiel. “L’environnement ne permet pas beaucoup à un des deux parents et en l’occurrence souvent la femme, d’avoir une activité professionnelle comme elle l’entend. La société suisse, là-dessus, est très rétrograde. Trouver une place en crèche, des choses aussi basiques que ça c’est quand même ...très très très compliqué. Je trouve que le seul truc qui est top en Suisse c’est finalement l’ouverture d’esprit par rapport au temps partiel.” Romain.

Les politiques RH et leurs injonctions Au sein de notre échantillon, l’accès à la flexibilité dépend de plusieurs facteurs : la volonté de l’employeur, la typologie du poste, le niveau hiérarchique et le genre. Si les politiques RH répondent aux besoins d’équilibre des nouveaux parents, elles peuvent également influencer leurs comportements. C’est le cas de Kristina, mère de deux enfants, qui a pu bénéficier d’un taux de travail à 80% à son retour de congé maternité, en étant payée à 100% durant la première année de l’enfant. Cette nouvelle expérience lui a permis de découvrir un équilibre qu’elle a conservé par la suite. Toutefois, elle a dû faire plusieurs ajustements pour y parvenir que nous détaillerons plus tard. « J’ai été embauchée à 100% et quand j’ai eu mon deuxième enfant, ma compagnie offrait d’être à 80% en recevant un salaire à 100% jusqu’au un an de l’enfant. Donc ça, ça a été un choix pas très difficile à faire ...rires ... et c’est vrai qu’on s’est aperçus que c’était la combinaison à peu près parfaite ! Je pense qu’on s’en sortirait beaucoup moins bien si j’étais à 100% ... ça libère le week-end, et ça permet de profiter plus des enfants sans le stress de tout ce qu’il y a à faire. » Kristina. D’autres ajustements sont appréciés comme le prolongement du congé maternité en utilisant le cumul des vacances ou de congés sans solde.

Katia, juriste à 100%, a pu bénéficier d’un temps partiel à 60%, pendant deux mois, lorsqu’elle est revenue de congé maternité. « J’ai repris à 60% et franchement je suis contente d’avoir fait comme cela, ça m’a permis d’être un peu plus longtemps à la maison avec ma fille pendant deux mois et en cumulant les vacances. » Katia. Elle a ensuite choisi le 95 % annualisé, offert par sa banque, qui garantit 12 jours de vacances supplémentaires par année. Cette organisation n’engendre pas trop de différence de salaire et permet d’éviter de subir les stigmatisations liées au temps partiel. « Les gens disent « Ha de toutes façons elle, elle n’est jamais là » à propos des collègues à 80% ... Certains sont à temps partiel mais ils se connectent quand même... On a envie de bien travailler et que les gens nous voient bien alors on accepte de se connecter... La charge de travail reste la même donc autant travailler à 100%... Avec ce 95% annualisé je prends congé sans avoir un jour fixe...j’adapte avec la charge de travail ... je n’allume pas du tout mon ordinateur. » Katia. Le temps partiel a particulièrement été remis en question par toutes les femmes de cette étude, à cause de la charge de travail qui n’est jamais ajustée, de la baisse de salaire et des stigmatisations envers ce modèle de travail.

L’impact du temps partiel

L’homme de notre étude qui travaille à temps partiel porte un regard différent sur son expérience. « En prenant le vendredi, il ne me semble pas que cela créé une discrimination sur une absence un jour de la semaine... Les gens prennent plus de temps à midi et partent plus tôt pour partir en week-end... Je n’ai pas l’impression de fournir 20% de travail en moins, c’est peut-être prétentieux de dire cela... Il y a zéro garde ce jour, c’est moi qui m’occupe entièrement des enfants... Je n’allume jamais mon ordinateur et je ne lis jamais mes mails le vendredi.... Donc c’est une discipline que j’ai et en 3 ans je ne me suis connecté qu’une ou deux fois à des grands meetings ou forum... Chaque année j’ai des vacances en trop...Mais moi, j’arrive le lundi et j’ai le sentiment d’être pleinement reposé, je n’ai plus ce sentiment d’arriver à la fin de l’année, avec ce besoin de vacances... » Clément. Lorsque les limites sont clairement établies avec le travail, le temps partiel est un levier d’équilibre entre les vies familiales et professionnelles. En revanche, il est manifeste qu’un rythme à temps partiel avec une charge de travail à 100% fait émerger des contraintes qui peuvent menacer la santé des individus. Plusieurs participantes ont expliqué qu’elles réduisent leurs pauses et leurs interactions sociales pour réussir à accomplir leur charge de travail inchangée sur 4 jours par semaine. De plus, la journée à disposition sert souvent à soulager l’organisation des tâches domestiques du couple. Il en résulte une double charge de travail qui repose principalement sur les femmes puisque ces dernières sont celles qui accèdent plus facilement au temps partiel en Suisse. Cette double journée est le résultat d’un compromis que font les femmes pour passer davantage de temps avec leurs enfants. Elle impacte certainement la santé sociale et psychique des femmes conformément aux chiffres publiés récemment en Suisse (17). « Disons tout est très timé... les petites pauses café, les machins, alors moi je n’étais déjà pas très sociale au bureau .... C’est peut-être le petit moins ...il faut que tout rentre dans 4 jours....

J’ai de la flexibilité ... je travaille quand je veux, comme je veux, si je dois travailler 10h un jour, 6h le lendemain, alors ça c’est top. .... C’est le vendredi ...après le truc c’est que ça n’est pas que du temps pour moi... ... Je suis satisfaite de cette organisation ... Il y a des hauts et des bas ... Il y a des moments où je vais être plus fatiguée. En fait, j'ai eu des problèmes de santé, j’ai eu un énorme coup de fatigue au début du Covid. Ça n’était pas que lié à la charge mentale... c’était plus une accumulation de choses, de changements, notre deuxième avait 8 mois ... il y avait une surcharge ... on a cherché des solutions, on a pris la nounou plus souvent ... Comme mon mari part tôt au boulot, la nounou vient m’aider le matin et elle les amène à l’école ... moi je devais commencer à 7h30-8h pour maximiser le temps avec mes équipes à l’étranger .... Chez nous la solution n’a pas été que mon mari va faire plus, mais plutôt : il nous faut plus d’aide .... Silence .... J’ai eu du mal à l’accepter au début.... J’ai eu comme beaucoup de mamans, le côté « on ne fait pas des enfants pour que ça soit une nounou qui s’en occupe » .... Ça m’a fait culpabiliser .... On en a discuté .... Et le fait est, que là-dessus, il n’y a pas vraiment de choix, c’est-à-dire si tu veux avoir un boulot, bien le faire, avoir un minimum de flexibilité et ne pas devoir finir à 17h30 en courant dans tous les sens tous les jours .... Je pense que tu n’as pas le choix que d’avoir une nounou qui prenne le relai .... La maternité est un moment très compliqué... rires » Kristina.

Les discriminations liées à la maternité

Le congé maternité a été décrit par deux participantes comme une expérience qui les a pénalisées professionnellement. A leur retour au travail, elles avaient perdu leurs responsabilités ou une promotion qui leur revenait par leur ancienneté avait été accordée à un collègue sans qu’elles soient averties. « Pour moi, les injustices liées à la maternité sont le prochain scandale Me Too, ça va exploser un jour... Des années de labeur pour être rétrogradée au retour de congé maternité...je me suis sentie trahie et idiote de ne pas avoir vu ce qui se tramait dans mon dos...tu dois tout le temps faire plus, tu ne peux jamais relâcher la pression...je me demande si cette expérience influence le fait que je n’arrive pas à retomber enceinte... » Anne. Lorsque la communication de l’entreprise promeut le soutien de la parentalité alors que le type de management le discrimine, les employés racontent leurs déceptions et l’impact de ces discriminations sur leur santé psychique et physique. Certaines femmes ont l’impression que le choix de faire un enfant coïncide avec un frein de leur évolution de carrière ou que cela représente un choix qui trahit leur engagement professionnel. « Pourquoi est-ce que les femmes doivent choisir entre évoluer dans un poste ou entamer une maternité ? Je ne suis pas d’accord avec ce fonctionnement de la société. Professionnellement ça ne sera jamais le moment pour faire un enfant. Quand on vous demande : « est-ce que vous acceptez cette promotion ? » vous pensez que vous devrez renoncer à avoir un enfant dans un certain délai. J’aurais envie d’avoir une conversation honnête avec mon manager : oui j’accepte la promotion mais j’envisage aussi d’avoir une nouvelle grossesse. Cela enlève l’impression de trahir. » Marion.

Courte durée du congé paternité

Face à la courte durée du congé paternité, un couple s’est créé son propre congé parental pour répondre à ses besoins égalitaires et pour permettre au père de se sentir exister. Éléonore a bénéficié du congé maternité légal et Renaud a utilisé une offre de sa banque, qui permet de doubler le temps de vacances annuel une fois dans la carrière. Depuis son retour au travail, Renaud explique que les préjugés de ses collègues masculins et l’absence de flexibilité aboutissent à un conflit travail-famille. « Quand ils apprennent que je me suis absenté deux mois et demi pour m’occuper de mes enfants et de ma famille, la première réaction c’est : Et bien tu dois être content de revenir ! Et en fait, ma réponse c’est : non mais j’étais content de m’occuper de ma famille ! Maintenant, au-delà de cela, c'est un immense retour en arrière et une déception car tout ce que j’ai pu accumuler comme bonheur, expérience, souvenir ... je le perds... Mes enfants continuent à grandir et moi je ne suis pas là au quotidien à côté d’eux. » Renaud.

La négociation des rôles parentaux et l’agencement du travail et de la parentalité

Cette partie analyse la dynamique des rôles parentaux dans un sous-échantillon de notre étude comportant 10 participantes et participants qui vivent en couple. Lorsque la question des rôles familiaux est discutée au sein des couples, on note l’influence forte des conditions offertes par l’entreprise et en particulier du salaire. « C’est lui le plus gros salaire. C’est significatif, son milieu professionnel paye très bien et le mien correctement...c’est tout bête mais l’impact financier .... Ça s’est fait de façon implicite. » Kristina. Parmi les cinq couples interrogés, trois ont une organisation familiale traditionnelle dans laquelle l’homme travaille à 100% et la femme à temps partiel haut.

Le modèle traditionnel

Le modèle traditionnel est celui du couple où l’homme travaille à 100% et la femme travaille à temps partiel haut. Dans notre étude les trajectoires familiales de ces couples sont toutes en continuité avec leurs modèles parentaux. Ce choix de vie a été facilité par les conditions offertes par l’entreprise pour deux des femmes. La troisième a dû négocier activement pour obtenir son temps partiel. La question du salaire a participé au choix pour deux des trois couples. Les trois femmes expliquent avoir fait ce choix par envie de s’investir auprès des enfants, pour s’accorder davantage de temps et afin de soulager l’organisation familiale. Pour toutes, la charge domestique est importante et cela illustre que le temps partiel reporte tacitement les tâches sur celle ou celui qui passe le plus de temps à la maison. Ces mères jouent ainsi un rôle de soupape et de décharge pour la famille, ce qui permet de profiter des moments familiaux le week-end. Elles sont satisfaites de leur temps partiel mais se sentent toutes épuisées. Aussi, leurs partenaires sont très investis dans leur travail, ils ont des objectifs de carrière et de longues journées. Un des trois hommes souhaiterait obtenir un temps partiel mais son poste et ses responsabilités ne lui offrent aucune flexibilité. « C’est moi qui absorbe l’absence de flexibilité du travail de Renaud. Comme tout rdv chez le pédiatre ou lorsque la crèche appelle si les enfants sont malades. Du coup beaucoup de choses reposent sur mes épaules.

Cette différence de flexibilité aboutit à une inégalité dans la répartition des tâches qui peut affecter ma santé...pour le coup ça n’est pas une question de volonté car j’ai un conjoint qui aimerait s’impliquer plus. S’il pouvait il le ferait. C’est juste que dans les faits, il ne peut pas faire autrement. » Éléonore.

Le modèle égalitaire

Il représente deux couples qui travaillent à 100% dans notre étude. Ces modèles sont en continuité avec les trajectoires familiales des individus. Trois des quatre personnes interrogées souhaiteraient travailler à temps partiel mais cela n’est pas accepté par leur employeur. Dans ces deux couples qui travaillent à temps plein, la répartition des tâches familiales et domestiques semble davantage équilibrée. « Moi j’ai aujourd’hui beaucoup de flexibilité par rapport à mes horaires, alors qu’elle moins. Du coup par exemple, tous les jours je dépose mes filles à l’école alors qu’inversement durant des années j’arrivais dernier délai à 7h30 au bureau. » Romain. L’interdépendance des systèmes d’organisation du couple doit être considérée car elle est inhérente à son équilibre. Les individus font des choix en fonction du salaire de leur partenaire et de leur rythme professionnel. Leurs agendas s’équilibrent et leurs trajectoires s’influencent mutuellement.

Discussion

Le travail est un déterminant de la santé physique et psychique et il peut exposer les individus à des inégalités selon leur sexe (18). Des études longitudinales ont montré qu’un travail harmonieux était prédicteur d’une meilleure santé, en particulier pour les femmes qui entrent dans la deuxième partie de leur vie (19, 20). Toutefois, il est avéré que les conflits travail-vie privée, provoquent des problèmes de santé dans les cas suivants : dangers physiques ou toxiques ou pression psychologique importante (18). En Suisse, il a été montré que 12% des employés rencontrent des conflits au travail et que cela est associé à des risques pour leur santé physique (maux de dos, céphalées et troubles du sommeil) et psychique (manque d’énergie, anxiété et dépression). Ces risques touchent davantage les postes de direction, les emplois à temps plein et s'adressent autant aux femmes qu’aux hommes (2). Le poids des tâches familiales peut soumettre les individus à un niveau de stress plus important et il est décrit que cette charge est principalement portée par les femmes. Une étude suédoise a montré que les tâches domestiques demeurent inégales en défaveur des femmes, chez les couples bi actifs qui travaillent à temps plein, avec des niveaux d’éducation similaires (21). D’autres études ont montré qu’une importante double charge de travail liée aux responsabilités professionnelles et familiales ou le non-respect des droits représentent des risques pour la santé des femmes (18, 22). Les données suisses de la santé liée au genre révèlent des différences notables entre femmes et hommes, comme la prédominance des troubles psychosomatiques et davantage de consommation de médicaments pour les femmes. Par ailleurs, ces dernières sont davantage touchées par les maladies chroniques et les comorbidités alors qu’elles ont une espérance de vie plus grande que celle des hommes (17).

Dans notre étude, la charge liée aux tâches familiales se reporte davantage sur les femmes qui travaillent à temps partiel, les exposant à la double charge et menaçant leur santé. Cette organisation s’équilibre pour les couples qui travaillent à temps plein mais notons cependant que notre échantillon est trop petit pour être significatif. D’après l’Office fédéral de la statistique, les femmes comme les hommes rencontrent des risques psychosociaux au travail ; les hommes étant plus souvent victimes d’une demande de travail élevée et les femmes rencontrant plus de discriminations (23). Dans notre étude, la demande de travail est élevée pour les hommes comme pour les femmes. Aussi, presque toutes les femmes ont raconté des expériences de discrimination liées au congé maternité, au temps partiel ou au simple fait d’être une femme dans un milieu professionnel. Ces éléments confirment les données statistiques suisses et illustrent le frein que représentent les normes sociales sur les carrières féminines. Cela valide, les recherches publiées par Lisa Maneiro qui fait référence à la coïncidence entre la maternité et les interruptions de carrières, en particulier pour les femmes avec des niveaux d’étude supérieurs (24). Nonobstant, une donnée ressort clairement de notre étude et elle concerne l’absence de flexibilité offerte aux hommes et les stigmatisations à l’encontre des pères. Ces éléments représentent certainement un point clé pour l’obtention d’une meilleure égalité dans l’arrangement des rôles familiaux, d’autant plus si l’on considère l’interdépendance des modèles d’organisation au sein d’un couple. Sans possibilité de flexibilité pour les hommes, l’arrangement est tout décidé et il dicte un choix cornélien aux femmes : conserver un 100% au risque de mettre en danger leur santé et l’équilibre de leur famille ou diminuer leur taux d’activité et porter implicitement davantage la charge domestique et familiale. La question de la flexibilité pour les hommes est abordée dans plusieurs études (25) qui expliquent que les principaux obstacles sont les stigmatisation (26), le manque de reconnaissance du rôle de père sur le lieu de travail (27), les conséquences financières et professionnelles (28) et l’influence des politiques famille-travail (29, 30). La question doit faire l’objet de davantage de recherches pour mieux en cerner les freins et en particulier dans le contexte suisse. Ajoutons que notre recherche est construite sur l’étude de couples hétérosexuels, ce qui représente une limite évidente liée à l’échantillon hétéronormé. Il serait intéressant de comparer ces données avec celles issues de couples homosexuels. Le terrain hétéronormé permet toutefois de bien saisir les contraintes qui s’exercent sur les individus et qui perpétuent le modèle traditionnel familial gouverné par les statuts maîtres sexués (6). Les statuts maîtres sexués émergent des expériences de socialisation des individus qui s’exercent depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte. Ils sont modelés par les stratégies éducatives des familles et par les institutions, notamment les politiques publiques familiales, d’emploi, de santé, de retraite et d’aide sociale ainsi que les lois (5, 6, 31). Ils se révèlent souvent lors de la transition à la parentalité, aboutissant à une hiérarchisation des sphères d’activités, perpétuant les rôles traditionnels et confirmant le concept de standardisation des parcours de vie (7, 32). Toutefois, nous pourrions postuler que l’augmentation de l’insertion professionnelle des mères participe à une transformation des modèles sociaux. Le travail occuperait une place centrale, qui pourrait « remplir toute la vie » et influencer les modèles familiaux. Chez les couples biactifs, les hommes autant que les femmes pourraient être pourvoyeurs de ressources financières et affectives, et le partage négocié des rôles deviendrait alors un avantage efficace et rentable (33). Ces transformations revisitent la notion de patriarcat et mènent à un rééquilibrage des rapports de genre qui transforment les pratiques et abandonnent les structures sociales traditionnelles. Les hommes ne sont plus assignés au rôle de pourvoyeur économique et les rôles familiaux sont partagés au sein du couple. Cette théorie s’inscrit dans la thèse de destandardisation des parcours de vie selon laquelle les modèles normatifs traditionnels peuvent se transformer au fil du temps et aboutir à des variations individuelles des configurations familiales (7). Dans notre étude, on perçoit que la transition à la parentalité fait vivre des attentes qui ne sont pas toujours satisfaites et que les individus doivent s’ajuster à la réalité dans laquelle ils évoluent. Face aux obstacles structurels rencontrés, ils font des compromis, se résignent jusqu’à retrouver un équilibre parfois éloigné de leurs idéaux. On peut supposer que les représentations idéales du travail se scindent en se confrontant aux valeurs familiales et évoluent. L’apparition de conflits de valeurs, entre les devoirs familiaux et professionnels, peut faire émerger de la culpabilité, comme l’ont évoqué plusieurs participantes et participants de l’étude. Il n’est pas évident que les individus puissent décider librement de leurs choix et les contraintes exercées par les institutions assignent les hommes à leurs tâches professionnelles comme une forme de déterminisme social qui se reporte sur la famille. Toutefois, un participant de notre étude a agi contre les normes de son environnement professionnel en accédant au temps partiel. L’agentivité de cet homme qui souhaite accéder au temps partiel dans un contexte traditionnel illustre la possibilité de sortir des normes et des standards. Notons cependant que la situation économique et hiérarchique de ce participant lui permet de faire ce choix.

La décision du temps partiel, peut-être vue comme une forme de «discontinuité» professionnelle telle que l’a décrite Patrick Cingolani. Elle peut exposer les individus à une forme de précarité, dans le sens que ce choix semble priver d’une possible évolution de carrière et qu’il implique également une baisse des revenus (34). Il satisfait cependant un espace d’autonomie de la personne vis-à-vis de son emploi, un espace libre, qu’il est possible de combler par des activités qui contribuent à la réalisation de soi, telles que les activités éducatives. Ainsi, continuer à travailler à temps plein permettrait d'assurer les besoins de sécurité financière en acceptant la perte d’une forme de liberté vis à vis de son travail ; en opposition avec le temps partiel qui permettrait de soutenir les besoins de réalisation de soi, affectifs et éducatifs en acceptant une forme de précarité qui peut également mener à une perte de liberté. Cela valide les théories d’Anthony Giddens à propos de la dualité du structurel qui est « à la fois contraignant et habilitant » (35). L’environnement professionnel exerce une contrainte sur les individus mais leur permet également de s’accomplir et de se sentir en sécurité. Ce point se situe probablement à la base de choix du taux d'activité et il subit des influences liées au pluralisme des trajectoires de vie et au besoin de se libérer d’un lien d’assujettissement vis-à-vis de son travail. Relevons également que ces discontinuités s’inscrivent dans des expériences différentes qui dépendent de l’âge, du genre et du type d’emploi. Comme nous l’avons vu dans les résultats, il est plus facile d’accéder au temps partiel lorsqu’on est une femme et que l’on vit en couple, ou lorsqu’on occupe un poste bien rémunéré dans une ambiance progressiste ouverte à ce mode de travail.

Un point central semble se situer dans l’interdépendance des parcours de vie, permettant à un individu de s’accorder une discontinuité dans sa carrière lorsque le conjoint assure les besoins de sécurité. Cette donnée est confirmée par les statistiques suisses qui montrent que 65% des mères vivant seules avec un enfant travaillent à temps partiel par rapport aux 80% qui vivent en couple. Ce taux reste cependant élevé et il témoigne de la difficulté de ce modèle familial au sein duquel un cinquième des mères bénéficient de l’aide sociale (10). « Les trajectoires professionnelles féminines sont plus sensibles aux transitions familiales » (7) et cela peut être expliqué par les contraintes institutionnelles de notre société comme retrouvé dans notre étude. Les couples bi actifs sont plus nombreux en Suisse mais les doubles carrières sont rares car les trajectoires professionnelles s’équilibrent par elles-mêmes, parfois inconsciemment et poussent les femmes à diminuer leur taux d’activité professionnelle (7). Notons également que le temps partiel implique des relations de subordination qui mènent à des inégalités, en dévaluant un parcours professionnel aux dépens de celui du conjoint qui est soutenu. Il participe ainsi au renforcement des rôles traditionnels lorsqu’il concerne uniquement les femmes (34) et il entretient des liens de dépendance économique périlleux dans une société où les taux de divorces sont en augmentation (36). Une donnée qui ressort également de notre étude est l’influence du salaire lors des arrangements des rôles parentaux du couple. En Suisse, les salaires féminins sont inférieurs de 19% à ceux des hommes et 45% de cette différence est due à de potentielles discriminations en lien avec le sexe (37). Ces inégalités participent à entretenir les modèles familiaux traditionnels. Précisons enfin que cette recherche a été menée pendant l’épidémie de Covid-19 et c’est une donnée qui doit être prise en considération si l’on admet l’effet amplificateur de cet évènement. Le télétravail a été imposé à presque tous les participants et l’effet Covid est un thème qui a émergé par lui-même lors de l’analyse des entretiens. Au sein de notre échantillon, cette nouvelle organisation du travail a permis une priorisation des valeurs familiales, un meilleur équilibre des sphères de vie et une plus grande implication des hommes dans les tâches familiales amenant vers davantage d’égalité. Toutefois, le télétravail a été décrit comme difficile à cause de l’absence de limites physiques entre le travail et la vie de famille qui peut mener au surmenage. La crise liée au Covid-19 pourrait avoir créé un effet de période (38) qui marquerait une rupture avec la continuité des normes collectives traditionnelles et qui pourrait accélérer les changements sociétaux en faveur d’une meilleure conciliation des vies familiales et professionnelles. Notons également que la plupart des études ont montré que cette crise a généré un renforcement des inégalités de genres dans d’autres milieux sociaux, ce qui ne ressort pas de notre échantillon (39, 40). La généralisation des données récoltées par cette étude doit être envisagée avec réserve parce que l'échantillon n’est pas représentatif de la population. Les individus appartiennent à un milieu socio-économique restreint et ils ont participé sur la base du volontariat, ce qui omet certainement plusieurs points de vue. On peut également supposer que les résultats auraient été différents avec un axe intersectionnel qui aborde d'autres problématiques telles que le racisme, l'homophobie ou d’autres idéologies.

Conclusion


Cette étude a permis d’apporter un nouvel éclairage sur l’arrangement des rôles parentaux lors de la transition à la parentalité grâce aux points suivants : Les individus ont des attentes d’équilibre de vie individuelles qui se sont construites à partir de leurs expériences familiales avec l’envie de les reproduire ou de s’y opposer. A partir de ces attentes, il émerge des besoins spécifiques de flexibilité plus ou moins importants. Lors de l’ajustement à la réalité d’être devenu parent, les couples rencontrent des contraintes liées à leur environnement professionnel (politiques RH et culture d’entreprise), à leur niveau économique (salaires) et à l’équilibre de leur couple. Lorsque les besoins ne peuvent pas être assouvis, il en ressort des conflits travail-vie privée qui peuvent avoir un impact sur la santé mentale et physique des individus. Il existe des différences notables selon les genres, les femmes accédant plus facilement à la flexibilité et implicitement portant davantage le poids des tâches familiales. Cette double charge a un impact certain sur leur santé d’autant plus qu’elles vivent des discriminations au travail en lien avec leur statut de mère. L’originalité de cette étude relève des données concernant le grand manque de flexibilité accordée aux hommes et les discriminations fréquentes en lien avec leur statut de père au travail. On voit clairement que cette question est centrale pour aller vers une meilleure répartition des rôles parentaux et une plus grande égalité dans les milieux professionnels. Il est nécessaire de poursuivre des recherches pour comprendre comment s’équilibrent les couples dans lesquels l’homme travaille à temps partiel ; en supposant que ce modèle pourrait représenter une solution pérenne pour équilibrer la santé des individus et des familles ainsi que la pluralité de nos sociétés. Les injonctions à la flexibilité pour équilibrer les sphères de vie sont un sujet d'actualité et elles véhiculent des attentes qui sont parfois contrariées par la réalité. Dans une société ou l’épanouissement individuel côtoie des objectifs de rentabilité économique, nous pouvons les considérer comme l’expression d’une lutte contre la domination du travail assujettissant et comme “les manifestations de formes de résistance aux nouvelles potentialités d’existence” tel que les a défini Patrick Cingolani (34). La transition à la parentalité pourrait être l’occasion de revoir les exigences imposées par un système professionnel axé sur la performance et de ménager une place plus importante pour les besoins humains d’équilibre vie.

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Participants Clément, père de 2 enfants, project manager en milieu bancaire à 80% Clément a négocié un temps partiel à 80% lors de son embauche. Il garde ses enfants le vendredi et fixe des limites nettes avec son travail. Il est satisfait de cette organisation qui lui permet de vivre une relation épanouie avec sa famille. Il estime que davantage d’hommes suivent son exemple et considère travailler aussi efficacement qu’à 100% en étant moins fatiguée. Romain, père de 2 enfants, stearing strategy en milieu bancaire à 100% Suite à un burnout, il a quitté le monde du conseil pour rejoindre une banque qui lui offre un rythme de vie compatible avec sa vie de famille. Il accompagne ses filles à l’école le matin et c’est une nounou qui les garde le soir. Il est très satisfait de pouvoir profiter des week-end avec sa famille. Renaud, père de 2 enfants, directeur d’agence bancaire à 100% Renaud et sa femme ont une vision égalitaire de la vie de famille. Il s’est créé son propre congé paternité en cumulant vacances et congé paternité légal. Il aspire à une vie professionnelle plus flexible mais son poste ne lui permet pas suffisamment d’aménagements. Il estime que les mentalités sont encore très patriarcales et se désole de faire porter la charge des tâches familiales à sa femme, qui peut s’arranger avec ses horaires. Éléonore, mère de deux enfants, femme de Renaud, travaille dans une multinationale à 100% Elle est égalitariste et très attachée au partage des tâches. L’absence de flexibilité de son mari lui fait porter le poids des tâches familiales alors qu’elle aspire à davantage d’équilibre. Elle a réussi à négocier un temps partiel à 80% avec son entreprise grâce à son ancienneté et à ses compétences mais elle n’est pas certaine de pouvoir le garder. Kristina, mère de deux enfants, conseillère en environnement dans une ONG à 80% Elle a quitté le monde du conseil à la suite de sa première maternité. Son entreprise lui a offert de travailler à 80% avec un salaire plein durant une année après la naissance de son deuxième enfant. Elle utilise son temps libre pour elle et pour anticiper les tâches familiales. Elle a vécu un moment d’épuisement qui l’a obligée à organiser de l’aide supplémentaire avec une nounou. Ce mode d’organisation ne correspond pas à ses attentes initiales de la vie de famille mais elle reconnaît ses limites physiques et s’adapte à la réalité de sa situation. Bertrand, père de deux enfants, mari de Kristina, dirige une équipe de trading stratégie à 100% La place du travail est prédominante pour lui et la transmission de la valeur travail est essentielle. Il ne ressent pas de conflit travail-famille tant que son travail est reconnu à sa juste valeur. Même s’il ne porte pas la charge du quotidien (sa femme travaille à 80% et elle est très organisatrice), il ressent le poids de la responsabilité de ses enfants et il aimerait qu’ils deviennent des “gens bien”. Il compense la culpabilité de ne pas beaucoup voir ses enfants par la transmission de valeurs. 25

Anne, mère d’un enfant, directrice marketing dans la cosmétique à 100% Elle doit s’adapter à des conditions professionnelles intenses « Soit tu es up, soit tu es out ». Elle a peu de temps pour elle et se sent stressée, ce qui peut engendrer des difficultés à passer du temps de qualité avec son enfant. Elle a vécu de grosses discriminations à la suite de son congé maternité et s’est sentie trahie par son manager et ses collègues. Elle n’est pas satisfaite de ce rythme mais elle apprend à être résiliente. Charles, père d’un enfant, mari d’Anne, spécialiste en investissements à 100% Après une période de chômage, il vient de retrouver un travail et il doit faire ses preuves. Il aimerait travailler à 80% et a l’impression de passer à côté de moments précieux avec son fils. Il subit l’absence de flexibilité au travail mais pense également qu’elle ne serait pas complètement compatible avec la typologie de son poste. Marion, mère d’un enfant, juriste à 90% Son travail était central avant d’avoir un enfant. Elle a vécu une dépression du post-partum ainsi qu’une situation de discrimination au retour du conge maternité qui l’ont poussée a changer d’employeur. Elle a retrouvé un équilibre et cultive l'aménagement d’un minimum de temps pour elle afin de rester disponible pour son enfant. Elle hésite à se lancer dans une nouvelle maternité puisqu’elle vient d'être promue. Tiphaine, mère de deux enfants, responsable de formation dans une banque à 100% Elle termine son congé maternité après avoir donné naissance à son deuxième enfant. Son employeur ne veut pas lui octroyer une réduction de son temps de travail à 80% alors elle se pose la question de démissionner. Elle ressent une pression qui pousse les mères à travailler davantage que les hommes pour être considérées et progresser dans leur carrière. Rémi, mari de Tiphaine, cadre dans une compagnie d'assurance à 100% Il bénéficie de beaucoup de flexibilité dans son travail et il a découvert, durant la pandémie, le plaisir de se recentrer sur sa famille. Il remet en question le fait que les femmes portent la charge mentale. Il pense que l’anticipation et le contrôle féminin amplifient ce phénomène. Katia, mère d’un enfant et enceinte, juriste à 95% annualisé dans une banque Karine assume la majorité des tâches familiales et domestiques car son mari a accepté une opportunité de carrière très exigeante récemment. Elle apprécie le 95% annualisé qui lui permet d’avoir 12 jours de vacances supplémentaires. Elle pense que ce mode d'organisation est moins discriminant qu’un 80%. Delphine, mère de deux enfants, travaille dans le service informatique d’une banque à 80% Ravie de travailler à temps partiel pour s’organiser, elle trouve qu’elle porte toute la charge familiale et domestique. Elle bénéficie de l’aide de ses parents mais souhaiterait que son mari soit plus investi. Alexandre, mari de Delphine, directeur des finances à 100% dans une multinationale Il aime le défi et accorde au travail une place primordiale dans sa vie. Il a particulièrement apprécié le télétravail et les moments passés à la maison durant la pandémie. Il vient d’accepter une promotion et son poste n’est pas compatible avec un temps partiel. Il pense que travailler à temps plein est un prérequis pour pouvoir épargner et construire un patrimoine. 26

Jeanne, mère de deux enfants, travaille à 100% dans le milieu énergétique Elle pense que son travail lui apporte du sens et l’impression de contribuer à une cause. Elle a toujours travaillé à 100% car ses origines culturelles et familiales l’ont guidée vers ce modèle. Ses maternités ont été éprouvantes et elle a fait un burnout pendant la pandémie. Cela lui a permis de réaliser qu’elle souhaitait travailler à 80% et garder du temps pour préserver son équilibre. Antoine, père de deux enfants, responsable de la conciergerie dans une banque à 100% Il a quitté l'hôtellerie pour un poste avec des horaires plus réguliers. A la suite de la naissance de son fils, il a diminué son taux d’activité à 80% et pense que cela a permis de développer une complicité avec lui. Il travaille désormais à 100% à la suite d’une promotion et sa femme travaille à temps partiel. Samuel, père de deux enfants, chargé de relation clientèle étrangère dans une banque à 100% Son parcours de vie, l’a exposé à la précarité durant son enfance et l’assouvissement de la sécurité économique de sa famille est sa priorité. Ancien sportif de haut niveau, il est attaché à l’excellence et à sa progression professionnelle. Il suit actuellement une formation le soir après le travail. Il trouvait confortable lorsque sa femme a arrêté de travailler et ce choix transitoire avait été motivé par le poids financier du mode de garde et celui des taxes du 2ème salaire.

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